Vous avez dit préavis réduit à 1 mois ?
La Cour de cassation a rendu le 11 janvier 2024 un important arrêt concernant le droit d'un locataire à bénéficier d'un préavis réduit en zone tendue, pour un bail d'habitation. Quel enseignement tirer de l'arrêt?
Tout locataire d’un logement loué nu en résidence principale peut donner congé à tout moment, en respectant un préavis d’une durée de trois mois, en principe (loi du 6-7-1989, art. 15).
Un locataire peut toutefois bénéficier d’un préavis réduit à un mois pour l’un des motifs prévus par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 (cliquer ici). La liste légale des motifs de préavis réduit est limitative.
Le droit au préavis réduit est notamment reconnu à tout locataire dont le logement est situé en zone tendue, c'est à dire dans une commune où s'applique la taxe sur les logements vacants (TLV).
Comme expliqué dans un conseil (A&C Immobilier 19ème année n°13 p.2), il convient à cet égard de prendre en compte la nouvelle liste des communes concernées, telle que fixée par un décret n°2023-822 du 25 août 2023. La liste des communes concernées figure en annexe du décret (cliquer ici).
Les pouvoirs publics proposent un «simulateur», mis à jour, permettant de savoir rapidement si une commune est située en zone tendue (cliquer ici).
Depuis la loi Alur de 2014, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit qu'un locataire souhaitant bénéficier d'un délai réduit de préavis doit préciser «le motif invoqué» et le justifier «au moment de l'envoi de la lettre de congé. A défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois».
A ce titre, par un arrêt de principe, la Cour de cassation a jugé en 2019 que «faute pour le locataire qui souhaite bénéficier d’un délai de préavis réduit de préciser le motif invoqué et d’en justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé, le délai de préavis applicable à ce congéest de trois mois» (cass. 3ème civ. 11-4-2019 n°18-14256 - cliquer ici).
Dès son congé, un locataire doit à cet égard fournir un justificatif concernant le motif invoqué pour pouvoir bénéficier d'un préavis réduit, en principe.
Au vu de la règle posée, et étant observé que le texte issu de la loi Alur est rédigé de manière générale, on pouvait penser que la règle s’appliquait dans tous les cas, en ce compris si le locataire se prévalait de la situation du logement en zone tendue (cf. rép. min. n°94869 du 21-3-2017 JOAN p. 2451 - cliquer ici).
La notice d'information réglementaire en location (rubrique 3.1.1.) souligne qu'un locataire doit «préciser dans tous les cas le motif permettant de bénéficier de la réduction du délai de préavis et le justifier à l'occasion de la notification de congé» (arrêté ETLL1511666A du 29-5-2015 - annexe - cliquer ici).
Dans le cadre d'une publication officielle (cliquer ici), les pouvoirs publics ont en outre indiqué qu'un locataire peut bénéficier d'un préavis réduit en zone tendue à la condition:
- d’indiquer dans sa lettre de congé que la commune du logement est située en zone tendue;
- Et de mentionner dans sa lettre de congé l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, ainsi que le décret précité;
- Et de joindre à sa lettre de congé un justificatif (ex.: une copie de la page du décret mentionnant la commune).
Par un arrêt qui aura les faveurs d'une publication officielle, la Cour de cassation vient de se prononcer sur les règles applicables, lorsqu'un locataire entend se prévaloir d'un préavis réduit à un mois, au motif que le logement est située en zone tendue.
Dans l'affaire concernée, un bailleur contestait qu'un locataire puisse bénéficier du préavis réduit à un mois, en expliquant notamment que celui-ci ne justifiait pas de la cause légale de réduction du délai dans son congé.
La Cour de cassation a donné tort au bailleur, en posant le principe (inédit) suivant.
Lorsque le bien loué est situé en zone tendue, le «fait pour le locataire de mentionner l'adresse de ce bien dans son congé et de revendiquer le bénéfice d'un préavis réduit au visa des dispositions de la loi Alur suffit à préciser et à justifier le motif invoqué de réduction du délai de préavis» (cass. civ. 3ème 11-1-2024 n°22-19891).
En l'espèce, la lettre de congé du locataire précisait l'adresse du bien loué, situé en zone tendue, et le locataire y «revendiquait le bénéfice d'un préavis réduit au visa de la loi Alur». La Cour de cassation a estimé que le délai de préavis applicable était d'une durée d'un mois.
Il découle de l'arrêt qu'un locataire n'a donc pas à joindre un justificatif à son congé (ex. copie de la page du décret n°2023-822)
- Pour consulter l'arrêt du 11 janvier 2024: cliquer ici
Attention! Dans l'affaire jugée le 11 janvier 2024, la Cour de cassation a validé la condamnation du bailleur à payer au locataire des dommages et intérêts, pour les motifs suivants. Le bailleur, propriétaire de plusieurs logements dans la commune concernée, ne pouvait ignorer que cette commune était située en zone tendue. Il était donc de mauvaise foi. Le bailleur, par sa mauvaise foi, avait causé au locataire un préjudice financier distinct du retard dans la restitution des sommes indûment perçues (en l'espèce, les loyers versés postérieurement au délai de préavis d'un mois).